En 2015, Malaika part vivre à plus de 8 mille kilomètres de la France, dans l’un des pays les plus pauvres du monde, à Madagascar. Son rêve ? Créer le premier incubateur social de l’Océan Indien.
« J’ai 32 ans. Je suis née et j’ai grandi jusqu’à 14 ans à Madagascar », raconte Malaika, cofondatrice d’un incubateur social* à Antananarivo. A l’adolescence, elle quitte l’île Rouge pour la banlieue parisienne, ses Hauts-de-Seine et son ciel gris. Quelques années plus tard, elle part étudier à Sciences Po Lille, animée par l’envie de travailler dans l’humanitaire, l’envie de « sauver l’Afrique ». Mais après son diplôme et quelques expériences professionnelles peu concluantes, Malaika déchante et se ravise. « Je me suis réorientée en revenant sur les bancs de l’école. Mon mémoire a été la première pierre dans le lancement de l’incubateur : l’entrepreneuriat social m’est apparu comme un bon moyen pour combler les lacunes de l’humanitaire, et un levier de développement intéressant pour Madagascar ».
Une première carrière avortée, mais un désir de « sauvetage » toujours au centre de ses préoccupations. En quête perpétuelle d’impact et d’améliorations sociales, Malaika est retournée vivre dans son pays natal en novembre 2015, avec un rêve en tête : celui de monter un incubateur. « Je pensais qu’il me faudrait deux ans avant de démarrer le projet vu que je ne connaissais rien sur place ». Mais le destin en a voulu autrement. Et tout s’est enchaîné pour elle. « J’ai rencontré le cofondateur d »INCUBONS’ lors d’une journée peinture pour embellir les escaliers des ruelles tananariviennes.
Incubateur, tiers-lieu solidaire et mouvement féministe
Cette rencontre inattendue, entre deux pots de peinture, a tout changé pour Malaika. En janvier 2016, la jeune femme et son associé démarraient leur première promotion d’incubés… Chez « INCUBONS » ! Et depuis, leur entreprise sociale ne cesse d’évoluer. Ceux qui travaillaient au départ dans des cafés ou à domicile, ont inauguré en juillet 2016 leurs premiers bureaux, grâce à l’appuie de l’Organisation international de la Francophonie. En 2017, un tiers-lieu s’est mis en place, permettant ainsi d’organiser des événements socio-culturels autour de la citoyenneté, du féminisme, de la solidarité… INCUBONS innove, rassemble et surtout ne freine pas sa progression. 2018 est une année charnière pour les fondateurs, qui ont lancé en mars dernier les « Guichets d’INCUBONS », « première structure de diagnostic et de formations à destination des entrepreneur.e.s en herbe », indique Malaika. « 2018 est aussi une année électorale à Madagascar, et INCUBONS aimerait traduire ses positions citoyennes en actes : beaucoup de projets en préparation à ce sujet, je peux pas en dire beaucoup, mais il est par exemple question de lancer avec d’autres associations le premier mouvement féministe malgache ! », s’enthousiasme-t-elle.
Un incubateur pionnier dans son domaine
Aujourd’hui, le rêve de Malaika est devenu réalité. Son associé et elle accompagnent gratuitement dix entreprises sociales par an à travers de la formation, des ateliers pratiques, du coaching personnalisé, de la mise en relation et du conseil stratégique. « Ce suivi et ce soutien intensif a pour objectif d’appuyer les jeunes entrepreneur.e.s à transformer leurs projets en entreprises viables et pérennes. Nous sommes à leur disposition 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 en cas de question sur un fournisseur par exemple, ou de crise existentielle. On a réalisé que les aspects coaching-soutien vis-à-vis de l’entrepreneur.e étaient bien plus importants (80%) que les aspects techniques purs concernant l’entreprise », explique Malaika. « On est tour à tour leurs associés, conseillers, grandes sœurs et des épaules sur qui pleurer », ajoute-t-elle.
En deux ans, INCUBONS est devenu le premier incubateur social de l’Océan Indien et le premier tiers-lieu solidaire de Madagascar. Mais pour la trentenaire, pas question de rester indéfiniment au même endroit et au même emploi. Malaika a la bougeotte et soif d’ailleurs : « Il me reste encore beaucoup de pays à vivre ! », s’exclame-t-elle. « Pour l’instant je pense rester ici encore un ou deux ans. Cela prend du temps de monter une entreprise, il y a des hauts et beaucoup de bas, c’est une vraie aventure d’endurance ! Donc j’aimerais bien la quitter en sachant qu’elle continuera sans moi ».
Source – Marie-Claire